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entretien
soyons tangents, dispersons-nous
michel jacquelin / maria pulci / benjamin tardillon
source : les éditions du mouvement // date de publication : 18/06/2007 // 14091 signes
vous pensez avoir repéré une œuvre d’art tangent, vous souhaitez la faire valider, vous avez une idée d’œuvre tangente, tout seul vous n’êtes pas assez nombreux, le département tangent peut vous aider à la voir réalisée. adressez(envoyez) vos témoignages, descriptions ou images à maria.pulci@mouvement.net
la notion d’art tangent (artt) qu’odile darbelley et michel jacquelin ont contribué à faire apparaître et qu’ils s’attachent à mettre en forme depuis plusieurs années suppose qu’à partir de duchamp duchamp il se trame une sorte de ligne invisible qui s’est séparée de l’art contemporain connu. l’histoire de l’art tangent est l’histoire de toutes ces œuvres, de toutes ces pensées qui, depuis le début du xxe siècle, ont existé, produisant des formes d’art ni brut, ni primitif, ni contemporain, des formes d’art que faute de mieux ils appellent tout simplement tangentes. tout le monde peut participer à la production d’une œuvre tangente et peut le faire à différents niveaux : en tant qu’auteur, si on amène une idée ; en tant que facteur si on la réalise ; en tant qu’acteur si on la met en jeu ; et en tant qu’artiste si on la médiatise, c’est-à-dire si on la porte à la connaissance du public. nous avons réuni autour de maria pulci – pour présenter son projet d’appel à contribution, benjamin tardillon, l’auteur de l’art tangent, l’ouvrage de référence paru aux éditions actes sud, et michel jacquelin co-commissaire avec odile darbelley des expositions d’art tangent, dont celle qu’ils présentent actuellement à paris, à la galerie michèle chomette.d. v. et b. w.4 critères (plus un) permettent (avec toutes les exceptions nécessaires) d’accepter une production comme tangente : 1 : c’est l’œuvre qui est tangente et non l’artiste.2 : l’artiste est le premier médiateur de l’œuvre. 3 : l’œuvre tangente existe avant d’être repérée comme telle (principe de l’arrosoir ou de la dispersion).4 : l’art tangent est une histoire comme œuvre, et qui fait œuvre. +1 : toute nouvelle production jugée suffisamment intéressante peut faire apparaître un ou plusieurs critères permettant de la valider comme œuvre tangente.comment vous situez-vous et comment définissez-vous votre pratique au sein du département d’art tangent (départementt) ?(silence éloquent.)maria pulci : « mon principe de travail est assez simple : j’utilise internet pour lancer des appels à collaboration. je crois que l’intérêt principal d’internet est de créer du lien, superficiel, rapide et sans complexe. ainsi, j’ai lancé sur le net un avis de recherche de multiples autour du poireau. c’est un objet en verre moulé, il y en a donc forcément d’autres. sa fonction en tant qu’objet est, tout au plus, vaguement décorative… ce poireau n’a pas d’autre fonction que d’être tangent parce que dans l’espace social il existe d’autres objets qui participent de cette œuvre : ce sont potentiellement tous les poireaux qui ont été fabriqués dans ce moule… la dispersion est un critère tangent. j’essaie de maintenir un équilibre entre une volonté de réunir des objets et en même temps l’idée de les laisser dispersés.il y a un travail de jules et jill qui est proche du mien et que j’aime bien. ils ont demandé par internet à des gens quels étaient leurs petits plaisirs esthétiques, ces petites choses qui ne changent rien au cours des événements mais qui aident à vivre. le plus intéressant est de poser la question, de demander aux personnes de s’interroger sur leur relation aux petits plaisirs esthétiques.dans l’idée d’un appel à collaboration, ce qui m’intéresse, ce ne sont pas forcément des œuvres réalisées ou des choses qui sont fabriquées ; ce qui m’intéresse, c’est l’idée du potentiel tangent : il suffit d’imaginer une chose et qu’un certain nombre de personnes partagent cette invention – toujours l’idée de la médiatisation – pour que l’œuvre existe. benjamin tardillon écrit : « l’œuvre tangente est difficile à voir, difficile à garder, difficile à publier, elle reste insaisissable dans sa complexité et sa globalité. on ne donne ici qu’une idée de l’œuvre. elle existe de son côté et conserve son aura tangente. » comment pouvez-vous compiler dans un livre ces œuvres et ces discours sans risquer de détruire toute tangence de l’œuvre puisqu’elle n’existerait qu’à être quasiment non vue ?m. pulci : « c’est une vraie question, la tension entre la médiatisation de l’œuvre et sa dispersion sociale.michel jacquelin : « on a réfléchi à ce processus pour la présentation à la galerie michèle chomette : qu’est-ce qu’une galerie qui expose l’artt ? est-ce encore une galerie ? quel rapport peut-il y avoir avec une forme de marché ? on propose, entre autres, une sorte de système d’achat de parts du départementt. l’intérêt pour nous est de constituer un groupe, un relais dans la société, soit pour du repérage d’œuvres tangentes, soit pour des mobs ou des propositions d’intervention. ces personnes sont prêtes à activer le tissu social. elles font un placement sur elles-mêmes : c’est par la force de leurs mobilisations que l’artt se développe et que leurs parts prennent de la valeur. si elles veulent faire fructifier leur placement, il faut que l’artt existe. on imagine un système de division des parts à chaque revente… plus c’est petit et plus c’est précieux.benjamin tardillon : « l’artt est une idée diffuse, il est difficile d’en parler sans préciser les choses ou les dénaturer. dans la conception du livre j’ai cherché à réinjecter des principes tangents : utiliser les œuvres comme points de tangence entre les concepts, mettre en jeu la figure du retournement par l’inversion des chapitres, privilégier la médiatisation directe des artistes… il faut redonner de la tangence, là où on risque d’en perdre.m. pulci : « faire un appel à contribution dans une revue, c’est aussi une façon de conserver de la tangence. la revue confronte des sujets variés, l’artt est un élément parmi d’autres. la revue est faite pour être dispersée, diffusée, tout en étant un outil de relation sociale, de lien. quand je demande aux lecteurs de collaborer sur internet, j’utilise encore un autre support, mais dans le prochain numéro de mouvement, j’espère montrer les œuvres qui auront été proposées. a la fondation professeur swedenborg pour l’art contemporain, vous faites un travail de repérage pour dénicher des œuvres d’art tangent. comment cela se passe-t-il pour quelqu’un qui répondrait à l’appel à contribution que vous lancez aujourd’hui ?b. tardillon : « le départementt envoie quelqu’un pour vérifier le degré de tangence de la proposition. il y a discussion, puisque tout nouveau critère jugé pertinent peut devenir un critère de l’artt. m. pulci : « l’artt est transgenrique, il dépasse les catégories habituelles, n’a pas de forme déterminée… on peut donc très bien se dire que parmi les choses produites actuellement certaines seront des œuvres tangentes demain, mais on les ignore encore. avec l’appel à contribution, l’idée est d’accélérer le mouvement, de repérer plus vite quelles sont les perspectives.il y a quelques principes qui caractérisent pour l’heure l’art tangent, mais ces principes en eux-mêmes sont évolutifs. est-ce que cela suppose que les propositions qui vont vous être envoyées, seront au moment où elles seront divulguées, quel que soit l’outil de médiation, forcément accompagnées d’un discours justifiant en quoi elles sont tangentes ? ou bien l’œuvre tangente se suffit-elle à elle-même ? b. tardillon : « c’est l’effet boomerang de l’artt, si ça part bien ça revient bien… si on se dit que l’artt est une œuvre d’art qui est en elle-même histoire de l’art, il faut qu’il y ait des points de contact, des points de tangence avec l’art contemporain. on comprend alors le jeu de renvoi, de distorsion. on fait le va-et-vient, on introduit de la critique par le biais de la pratique. m. pulci : « le discours permet de donner aux gens les informations qui leur permettront de s’emparer de l’artt.m. jacquelin : « dans les activations que nous menons dans nos expositions, le public partage les choix qu’on a dû faire pour l’accrochage, pour la présentation et même l’encadrement des œuvres, toutes questions qui d’habitude sont hors champ. dans les musées, tout est fait pour qu’on ne puisse que passer. pour présenter l’art tangent, vous avez produit des sièges mobiles qui permettent d’avoir un certain rapport à l’œuvre et de démultiplier ce rapport. et la production de cette place pour s’asseoir et pour regarder est en elle-même une œuvre…m. pulci : « on devrait aller plus loin et proposer des activités dans les expositions. c’est très agréable de faire quelque chose dans un musée.m. jacquelin : « quand on fait des activations, les gens assistent à quelque chose, ils ne font pas que regarder vaguement. a un moment donné, l’œuvre s’enrichit d’être vue par un public et non pas par des individus successifs. c’est une façon de compenser le fait qu’une œuvre est moins tangente dans un frac que dans l’espace social. avec l’idée du public, on fait re-rentrer le social à l’intérieur de la proposition d’exposition.où se joue pour vous la frontière entre le spectateur et le public ?m. jacquelin : « ce qui fonde le public, c’est quand il y a un objet de regard commun, un objet qui provoque la réaction. cette réaction est diversifiée mais collective. b. tardillon : « pour être plus concret, l’artt peut créer avec le public une relation directe. par exemple, les décoctions de madeleine baker, ces formules diététiques qui visent à améliorer les capacités de chacun (mémoire, concentration, télépathie) et par là influencer à terme le devenir de l’humanité (c’est un peu la carotte de l’utopie). dans un autre registre, le billard tangent, ou le jeu de la représentation proposé par louise poirier interroge la relation entre public, discours et œuvre. deux joueurs armés de clubs de golf ou de queues de billard s’affrontent en public. ils doivent à tour de rôle faire s’entrechoquer 2 des 32 boules sur lesquelles sont marqués des concepts tangents : réplicata, land art d’appartement, art du massacre, confusion créatrice, etc. chaque joueur doit alors, œuvres à l’appui, improviser un discours sur l’artt. les spectateurs participent et peuvent apporter la contradiction. il est évident qu’au-delà de l’image littérale de la tangente qu’offre la rencontre de deux boules, louise poirier tente de mettre en œuvre une pratique artistique différente, entre jeu, installation et littérature tangente. ce qui frappe dans vos exemples, c’est que vous « triangularisez » le rapport : vous ne nous mettez plus devant une œuvre, mais devant une œuvre dont quelqu’un nous parle et c’est parce que quelqu’un nous parle que cette œuvre s’enrichit et prend une couche supplémentaire qui participe de sa qualité tangente. m. jacquelin : « dans les activations, on essaie de mettre en jeu un dialogue, un échange d’idées… du coup, le public devient témoin d’un événement, il est mis en situation. on peut parler de narration, d’intervention en milieu muséal.b. tardillon : « exposer l’artt est une gageure. un a. pophtegme dit : “on ne peut plus représenter, on ne peut que présenter.” l’exposition permet à l’artiste de tenir un discours. ce discours, qui doit être aussi clair qu’un mode d’emploi et aussi riche et varié qu’une bonne boîte de chocolat, a besoin du public pour être audible : “si un arbre tombe dans la forêt et qu’il n’y a personne pour l’écouter tomber, est-ce que cet arbre a fait du bruit ?”m. pulci : « la question du public est centrale dans le projet de l’artt. a partir du moment où on le montre, ce n’est pas tout de l’exposer, il faut se poser la question “à qui” on le montre et ce “à qui” comment on le fabrique par ce qu’on montre. m. jacquelin : « notre plaisir d’artiste, d’auteur ou de commissaire c’est d’observer ce que cela déclenche. quand les gens ont compris le principe du projet, ils ont envie de repérer, de générer autour d’eux des œuvres tangentes, cela leur ouvre des perspectives. a sélestat, on a organisé une bourse d’objets laids. même les gens qui ne sont pas venus se sont peut-être demandé ce qu’est un objet laid, un objet beau... l’idée est de les amener à envisager des questions qu’ils n’imaginaient pas se poser.m. pulci : « dans l’artt, des œuvres existent par l’idée qu’on en a. c‘est là l’intérêt de faire un appel à contribution, pour qu’on propose des œuvres qui n’existent pas : on est dans de la pure médiatisation. tout en sachant que n’importe qui, s’il en a envie, peut s’emparer ensuite de cette idée et la réaliser. »propos recueillis par dominique vernis et benjamin walterl’art tangent dans mouvement : jusqu’au 31 juillet 2007, proposez des œuvres tangentes en réponse à la proposition de maria pulci (maria.pulci@mouvement.net). le prochain numéro (octobre 2007) rendra compte de ces contributions. dans le numéro suivant (janvier 2008), une table ronde fera le point des questions théoriques soulevées par l’art tangent.l’art tangent est paru aux éditions actes sud.expositions :frac provence-alpes-côte-d’azur, du 1er octobre au 8 décembre 2007.ccam de vandœuvre-les-nancy, du 1er au 31 mars 2008.benjamin walter
personne ne le fera pour nous
mendelson
avec personne ne le fera pour nous, double album infailliblement indocile, mendelson affirme un peu plus la place à part...
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tables rondes, rencontres-débats sont l’occasion de rencontrer ceux qui font la revue mouvement. prochains rendez-vous à venir (entrée libre dans la limite des places disponibles) :
• l’art tangent au frac paca, le 25 octobre à 19h
en marge de l’exposition intervention-disposition, exposition au frac paca et à montévidéo, et dans le prolongement de la carte blanche offerte à maria pulci dans notre dernier numéro, mouvement participera à une table ronde tangente.
frac paca, 1 place francis chirat, marseille. tél. 04 91 91 27 55. www.fracpaca.org
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